Le syndrome d’épuisement professionnel, équivalent en français du terme anglais burnout, se traduit par un « épuisement physique, émotionnel et mental qui résulte d’un investissement prolongé dans des situations de travail exigeantes sur le plan émotionnel »(1) .
Les travaux de Christina Maslach ont permis de concevoir le syndrome d’épuisement professionnel comme un processus de dégradation du rapport subjectif au travail à travers trois dimensions : l’épuisement émotionnel, le cynisme vis-à-vis du travail ou dépersonnalisation (déshumanisation, indifférence), la diminution de l’accomplissement personnel au travail ou réduction de l’efficacité professionnelle.
(1) Schaufeli WB and Greenglass ER. Introduction to special issue on burnout and health. Psychol Health 2001;16(5):501-10.
Le burnout est un ensemble de symptômes qui nécessite une démarche diagnostique. Celle-ci va évaluer la sévérité du syndrôme, son type diagnostique et ses liens avec les conditions de travail.
Le syndrome d’épuisement professionnel n’est pas une maladie caractérisée à proprement parler.
Il se traduit par des manifestations d'intensité variable, une progression souvent insidieuse et en rupture avec l’état antérieur (liste non exhaustive) :
physiques non spécifiques : tensions musculaires diffuses, asthénie, troubles du sommeil, troubles musculo-squelettiques (type lombalgies, cervicalgies, etc.), crampes, céphalées, vertiges, anorexie, troubles gastro-intestinaux.
émotionnelles : anxiété, tristesse de l’humeur ou manque d’entrain, irritabilité, hypersensibilité, absence d’émotion
cognitives : troubles de la mémoire, de l’attention, analyses plus difficiles à réaliser, concentration moins efficace, fonctions exécutives "en berne"
motivation affaiblie : désengagement progressif, baisse de motivation et du moral, effritement des valeurs associées au travail ; doutes sur ses propres compétences (remise en cause professionnelle, dévalorisation)
comportementales ou interpersonnelles : repli sur soi, isolement social, comportement agressif, parfois violent, diminution de l’empathie, ressentiment et hostilité à l’égard des collaborateurs ; comportements addictifs, ...
La démarche diagnostique permet de caractériser le syndrome en repérant des pathologies sous-jacentes éventuelles telles que, notamment, un trouble de l’adaptation, un trouble anxieux, un trouble dépressif ou un état de stress post-traumatique. Le risque suicidaire(2) doit être particulièrement évalué. Cette démarche implique une recherche des facteurs de risque.
Un bilan somatique doit rechercher une pathologie organique associée qui aurait pu se manifester par certains des symptômes cités précédemment.
L’analyse des conditions de travail est faite prioritairement avec le médecin du travail, ou le centre de consultation de pathologie professionnelle(3).
(3). Pour les personnes ne disposant pas de médecin du travail.
La recherche des facteurs de risque commence par l’analyse des conditions de travail.
Cette analyse repose sur une démarche structurée, coordonnée par le médecin du travail avec l’appui de l’équipe pluridisciplinaire (ergonome, psychologue du travail, etc.). Elle peut s’appuyer sur les six catégories de facteurs de risque psychosociaux suivantes tirées du rapport Gollac5 :
intensité et organisation du travail (surcharge de travail, imprécision des missions, objectifs irréalistes, etc.) ;
exigences émotionnelles importantes avec confrontation à la souffrance, à la mort, dissonance émotionnelle ;
autonomie et marge de manœuvre ;
relations dans le travail (conflits interpersonnels, manque de soutien du collectif de travail, management délétère, etc.) ;
conflits de valeurs ;
insécurité de l’emploi.
L’existence de ressources dans le travail est protectrice (soutien social, stabilité du statut, collectif de travail vivant, moyens techniques, matériels et humains suffisants).
L’analyse doit également porter sur les antécédents personnels et familiaux, les événements de vie, la qualité du support social et le rapport au travail.
Le risque de développer un syndrome d’épuisement professionnel peut être associé à des antécédents dépressifs, à certains traits de personnalité pouvant limiter les capacités d’adaptation (coping).
Ces facteurs individuels ne peuvent servir qu’à préconiser une prévention renforcée, et ne sauraient bien sûr en aucun cas constituer un élément de sélection des travailleurs, ni exonérer la responsabilité des facteurs de risque présents dans l’environnement de travail.
Le burn-out est donc une interaction complexe entre des facteurs externes (environnement de travail oppressif, surcharge de travail, manque de soutien) et des facteurs internes (perfectionnisme, difficulté à dire non, mauvaise gestion du temps). Reconnaître ses propres tendances à se surcharger et à ignorer ses limites est aussi crucial que d'améliorer son environnement de travail pour prévenir l'épuisement.
La gestion du burn-out demande souvent une approche sur plusieurs fronts : réduire les pressions extérieures, mais aussi développer des compétences d’auto-gestion et apprendre à poser des limites pour mieux se protéger.
La prise en charge vise à traiter le trouble identifié et aussi d'agir sur le contexte socioprofessionnel, le contexte psychologique à l’origine du trouble.
La prescription d’un arrêt de travail est le plus souvent nécessaire. Sa durée sera adaptée à l’évolution du trouble et du contexte socioprofessionnel.
Le médecin traitant coordonne cette prise en charge. Il prescrit si nécessaire un traitement en s’appuyant sur la démarche diagnostique et adresse éventuellement le patient à un psychiatre. L’intervention d’un psychiatre peut être sollicitée notamment pour réaliser un diagnostic psychopathologique ou une adaptation thérapeutique, prendre en charge un trouble sévère et poursuivre un arrêt maladie.
La prescription d’un traitement antidépresseur est uniquement recommandée dans le cadre de ses indications (troubles anxieux, troubles dépressifs(4).
Le traitement du trouble peut comporter une prise en charge non médicamenteuse fondée sur des interventions psychothérapeutiques ou psychocorporelles effectuées par un professionnel de santé ou un psychologue formé à ces techniques.
Dans tous les cas, il est recommandé que le médecin traitant se mette, avec l’accord du patient, en contact avec son médecin du travail ou celui d’une consultation de pathologie professionnelle(5) pour alerter et avoir un éclairage sur le lieu de travail.
L’analyse du poste et des conditions de travail est en effet indispensable. Celle-ci est réalisée par l’équipe pluridisciplinaire coordonnée par le médecin du travail. Des actions de prévention (individuelle et/ou collective) sont préconisées en conséquence.
La prise en charge des aspects médico-socio-professionnels et psychologiques est indispensable, notamment pour aider les patients dans les démarches médico-administratives : orientation vers les consultations de pathologie professionnelle, services d’assistante sociale, etc.
(4). Haute Autorité de Santé. Recommandations sur l’épisode dépressif caractérisé de l’adulte : prise en charge en soins de premier recours (en cours d’actualisation).
(5). Pour les personnes ne disposant pas de médecin du travail.